PRESSE | Revue Point Contemporain | La vie silencieuse | Juliette Fontaine

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(Avril 2020)

 

LA VIE SILENCIEUSE, EXPOSITION À LA MALADRERIE

Avec Harold Guérin, Maude Maris, Kristina Shishkova et Stéphane Thidet

Par Juliette Fontaine, commissaire de l’exposition

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 » Quand il ne fait pas de photographie à la chambre, Harold Guérin dessine sur du papier de verre ou avec de la poussière de terre frottée sur du papier. Aussi, il fabrique des objets à partir de matériaux issus de paysages qu’il a arpentés tels que le grès rose des Vosges ou des prélèvements de terre. Maude Maris conçoit en peinture des espaces artificiels à partir d’agencement d’objets qu’elle a créés dans son atelier et qu’elle photographie dans de petites mises en scène. Kristina Shishkova conçoit, souvent en grand format, des paysages à partir de la longue observation d’objets – notamment de pierres – et de contemplation de paysages dont la temporalité s’en trouve ainsi suspendue. Quand il ne crée pas d’installations, parfois de grande envergure mais toujours à l’échelle de l’espace dans lequel il intervient, Stéphane Thidet agence dans une poétique subtile des matériaux naturels avec des objets industriels. Dans leur rapport aux choses et dans leur pratique, ces quatre artistes reconsidèrent à leur manière la possibilité d’un réenchantement à partir d’extraits et de prélèvements du monde.

La démarche d’Harold Guérin est étroitement liée à sa déambulation dans les paysages. Il y a chez cet artiste un fil tendu entre exploration, observation et recherche. Le temps de la pensée se noue au temps de la promenade dans les courbes généreuses de la nature, la pensée s’ajustant au déplacement du corps dans ses multiples teintes et textures. De cette attitude qui semble énoncer les liens de l’homme avec le monde naturel, persiste peut-être une trace du Land Art.
À l’instar d’une errance un tantinet élégiaque, la posture romantique est nourricière et inspirante. La nature demeure une égérie, et devient le corps et la matière même de l’œuvre. Le déploiement des pas sur le relief du monde éveille les rêves, peut-être même le désir de créer. Les chemins du paysage sillonné évoluent vers des mondes possibles malgré leurs modifications, leurs inéluctables mutations, leur vulnérabilité déterminée par les actions des hommes. L’artiste arpente les strates des paysages et dans cette approche contemplative, il élabore des idées, il dessine ce qui pourra advenir dans le processus de son travail, déployant souvent des travaux sériels qui pourraient être des sortes d’analogies de ces migrations. Les alluvions naturels s’agrègent aux assises de la pensée en développant à la fois des problématiques géologiques, géographiques, cartographiques, et plus en sourdine sans être négligées, des questions écologiques. Infusé de ses multiples marches, imprégné de silence, de lenteur et de solitude, le corps mettra bientôt en mouvement le geste qui insufflera l’œuvre à venir.
Si on trouve une dimension conceptuelle dans le travail d’Harold Guérin, il demeure d’une généreuse simplicité, d’une claire accessibilité. Il interroge sans présomption. Et il est avant tout poétique, ne serait-ce qu’en transmuant des objets en sculptures, estompant avec subtilité l’écart entre ces deux statuts. Ses Focus sont un exemple limpide de cette démarche. Il s’agit d’une série de téléobjectifs façonnés à l’aide de strates accumulées de différentes terres. Ils deviennent alors au delà de leur statut d’outil photographique, des échantillons du paysage tel des cylindres retirés du sol pour obtenir un prélèvement géologique. « Un parallèle formel est ainsi établi entre le processus de captation d’image photographique et la matérialité du paysage. »3 Dans la série de ses dessins Frictions, la poussière de terres issue de différents sites frictionnée à la main sur du papier font apparaitre des schémas de phénomènes géologiques. « À leur tour, les couches sédimentaires de la croûte terrestre se brisent et se frottent les unes contre les autres ».4 La pelle de l’œuvre To dig, dug, dug, arbore la noblesse magnifique de son matériau, le grès rose dont la douceur évoque la fragilité d’une peau infantile. Le statut d’objet est parfois détourné à la manière presque surréaliste, où l’objet usuel est promu à la dignité d’une œuvre d’art. L’artiste flirte avec l’âme duchampienne en l’abordant dans un miroir inversé. Ce qui est en effet important, c’est la reconstruction d’un objet avec un matériau choisi qui ne sera pas celui de l’objet ready-made. Un déplacement s’est opéré par un jeu (sérieux) d’appropriation. »

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